News
Comment Jumia compte devenir "l'Amazon africain" (L’Express)
August 29, 2021Company News
Créé par deux Français, le site de commerce en ligne panafricain façonne ce marché naissant. Mais les contraintes locales sont lourdes.
Ici, pas plus de robots que de tapis roulant pour préparer les commandes. Tout se fait à la main. Dans l'entrepôt de 10 000 mètres carrés du cybercommerçant Jumia, discrètement niché dans la zone industrielle de Koumassi, à Abidjan, des alignements numérotés de cartons de frigos, de soupières, de bidons d'eau, sont posés sur le sol, prêts à être acheminés.
Plus loin, sur des étagères, des dizaines de casiers remplis de paquets. Chaque compartiment porte le nom d'une des 100 villes ivoiriennes livrées par cet "Amazon africain". "Là, M. Kouamé, qui habite à Abengourou [à 200 kilomètres au nord d'Abidjan], va recevoir demain six verres et un sac à dos", lit Francis Dufay, directeur général de la filiale ivoirienne, après avoir saisi un colis. "Sur place, soit il ne les aurait pas trouvés, soit il les aurait payés beaucoup plus cher à cause du monopole du petit commerçant de sa ville", poursuit-il.
Le leapfrogging
Pour le directeur général de Jumia Côte d'Ivoire, qui emploie un millier de personnes, le continent africain est en train de sauter une étape de développement dans la grande distribution. "C'est comme dans la téléphonie, les gens sont passés directement au mobile sans jamais avoir eu de téléphone fixe", compare le responsable franco-ivoirien, "là, nous avons des clients qui n'ont jamais mis les pieds dans un grand magasin". Un concept qu'on appelle le leapfrogging ("saut de grenouille").
Le marché du commerce en ligne en Afrique demeure néanmoins minuscule (à peine 1% des achats), handicapé notamment par un accès limité à l'Internet mobile (seulement un tiers des 1,3 milliard d'habitants). Mais il est en forte croissance. Entre 15 et 20% par an, selon les analystes. Jumia, qui compte 6,7 millions de clients actifs dans 11 pays africains, espère bien profiter de ce nouvel appétit des consommateurs. "Jumia a fait un pari en misant sur ce marché naissant, mais le temps joue en sa faveur, constate Jean-Louis Traoré, du cabinet de conseil Innogence Consulting. Les habitudes de consommation vont évoluer et, pendant ce temps-là, il installe sa marque."
Des hauts et des grands bas
Depuis son lancement en 2012 au Nigeria par deux Français, Sacha Poignonnec et Jeremy Hodara, Jumia a connu des hauts et des bas. Des hauts quand il est devenu la première licorne africaine (valorisé à plus de 1 milliard de dollars) et la première entreprise tech du continent à entrer à la Bourse de New York, avec le soutien de puissants actionnaires français (Pernod Ricard et Orange). Des bas, quand son action dégringole au début de 2020 après des accusations de fraude, quand il doit se retirer de trois pays, ou quand l'africanité de cette entreprise d'origine étrangère est remise en question. Surtout, alors que ses prochains résultats sont attendus le 24 février, la société n'est toujours pas rentable après onze années d'existence.
Face à un marché difficile à cerner, Jumia a dû réviser son modèle. D'un site classique qui achetait de la marchandise pour la revendre ensuite au détail, il est devenu une place de marché virtuelle mettant en relation vendeurs et acheteurs. Sa commission sur les ventes varie de 6% à 15%. L'offre a dû aussi évoluer. "Avant, Jumia mettait en avant l'électronique et l'électroménager, mais ils ont été obligés d'élargir aux produits de grande consommation, moins cher, pour toucher plus de consommateurs", explique Julien Garcier du cabinet de conseil Sagaci Research à Nairobi. "Ils sont passés du téléphone à 200 euros au paquet de lessive à quelques euros."
S'adapter en permanence
Et Jumia tient le coup, contrairement à d'autres. Les sites français Africashop, Cdiscount ou encore Afrimarket ont rapidement dû plier bagage. "Jumia est le seul acteur panafricain réellement crédible qui a survécu jusqu'à présent. Aujourd'hui, il représente environ la moitié du chiffre d'affaires du commerce en ligne en Afrique", résume Julien Garcier.
La clef de sa réussite ? S'adapter aux spécificités locales. "Nous sommes sur des marchés informels, les consommateurs ont l'habitude d'avoir la marchandise sous les yeux, de pouvoir la toucher", rappelle Jean-Louis Traoré. "Jumia a dû accepter que le client puisse changer d'avis entre le moment où il commande le produit et celui où il l'a entre les mains", ajoute-t-il. Le taux d'annulation, de retour et d'échec de livraison approche ainsi les 25%.
Mais Jumia doit encore gagner la confiance du plus grand nombre. "Les gens sont très réticents à payer en ligne, car ils n'ont pas l'habitude, et ils ont peur de se faire arnaquer", raconte Bonny Maya, directeur général d'eMart, un site de vente de produits alimentaires en République démocratique du Congo (RDC). Aussi, l'usage de la carte de crédit est peu répandu, nombre de consommateurs ne possédant pas de compte bancaire. "Il faut donc accepter les paiements en espèces à la livraison", ajoute l'entrepreneur. Ce qui peut poser des problèmes de sécurité pour les livreurs.
Pour réduire les transactions en cash, Jumia a lancé en 2016 son propre système de paiement, "JumiaPay". La société s'appuie sur le fort développement sur le continent des moyens de paiement à partir du téléphone mobile. La somme d'argent est déposée chez un opérateur, puis directement envoyée sur un autre compte mobile sans passer par une banque. Le règlement d'un tiers des ventes de Jumia passe désormais par ce canal maison.
Le défi de la livraison
Autre défi de taille : la livraison. Dans des villes aux rues parfois sans goudron et aux maisons sans adresse, difficile d'acheminer les commandes. Devant l'entrepôt de Jumia à Abidjan, est garée une flotte de motos tricycles orange prêtes à se rendre dans les quartiers de la capitale économique. "Il a fallu bâtir, de A à Z, notre propre système de livraison", souligne Francis Dufay. La société a créé un réseau 120 agences ou points-relais. Des lieux où peuvent être emmagasinés les colis. "C'est un actif essentiel pour nous, juge le responsable de Jumia. C'est aussi une barrière à l'entrée considérable pour un concurrent, et ça nous offre des informations précieuses sur les comportements de nos clients." Pour accroître la rentabilité de ses systèmes de livraison et de paiement, Jumia propose désormais leurs services à des sociétés extérieures.
"Faire du commerce en ligne en Afrique, c'est courir un marathon, pas un sprint", précise Jean-Louis Traoré. Si Jumia a débroussaillé le chemin et pris une longueur d'avance, la course n'est pas encore gagnée. Dans les grandes villes africaines, les centres commerciaux tout neufs se multiplient et séduisent la classe moyenne émergente.
En ligne, une nouvelle concurrence apparaît. "Ce sont de plus petits acteurs, qui vendent sur les réseaux sociaux comme dans des groupes WhatsApp, note le consultant. Les achats se font par recommandation de proches, on peut échanger avec le commerçant, les prix peuvent être négociés." A l'instar, finalement, du marché du village.
Read the original article on L'Express
About Jumia
Jumia is a leading e-commerce platform in Africa. Our marketplace is supported by our proprietary logistics business, Jumia Logistics, and our digital payment and fintech platform, JumiaPay. Jumia Logistics enables the seamless delivery of millions of packages while JumiaPay facilitates online payments and the distribution of a broad range of digital and financial services.
Follow us on, Linkedin Jumia Group and twitter @Jumia_Group
For more information about Jumia:
Abdesslam Benzitouni
[email protected]