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Jumia en quête de croissance dans les zones rurales (Jeune Afrique)
June 6, 2023Company News
Plutôt que d’ouvrir dans de nouveaux pays, la plateforme panafricaine d’e-commerce table désormais sur des villes de 20000 à 150 000 habitants. Une stratégie de rupture qui doit encore convaincre Wall Street, où la start-up est cotée.
Depuis quelques semaines, un camion quitte deux à trois fois par semaine les entrepôts de Jumia à Nairobi pour effectuer une boucle de douze heures autour du mont Kenya. Objectif : livrer en produits introuvables localement une douzaine de villes de 20 000 à 150 000 habitants.
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« Dans ces villes, l’offre est extrêmement pauvre : une télévision coûte certainement 20 % plus cher que dans la capitale et les consommateurs n’ont le choix qu’entre deux marques maximum », explique à Jeune Afrique Francis Dufay. Le PDG de Jumia veut croire que le salut de son groupe se trouve dans ces zones rurales mal desservies, où la demande n’est pas comblée.
Stratégie de rupture
« Notre objectif est que les clients puissent trouver le bon produit, au bon prix, au bon moment et dans la bonne ville, explique Francis Dufay
C’est pourquoi nous travaillons à améliorer l’offre en incluant toutes les marques pertinentes du marché au tarif le plus bas et en proposant un assortiment exclusif qui vient directement de nos fournisseurs en Chine, via notre service Jumia Global. »
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Depuis son arrivée à la tête de Jumia en février 2023 – il était patron par intérim depuis le 7 novembre 2022 –, le dirigeant français naturalisé ivoirien mène une stratégie en rupture avec celles conduites par ses prédécesseurs, Sacha Poignonnec et Jérémy Hodara. Exit les dépenses extravagantes dans la publicité en ligne et les opérations promotionnelles trop coûteuses. Bienvenue à la rationalisation de plusieurs services, comme la distribution de produits alimentaires et de grande consommation – « trop complexe dans la majorité de nos pays » –, et aux leviers de croissance de long terme.
La livraison dans les zones rurales fait partie de ceux-là. En Côte d’Ivoire, Jumia applique de façon intensive cette stratégie, après avoir recruté plus de 17 600 travailleurs indépendants (sur un objectif de 40 000 au total), lesquels sont chargés d’éduquer dans la rue les consommateurs à l’utilisation de la plateforme en les accompagnant dans leurs démarches. Ces agents de terrain sont rémunérés sous form de commissions sur le chiffre d’affaires généré. Sans communiquer les recettes issues de cette activité, Jumia indique que 71 % des consommateurs ivoiriens ayant ainsi acheté une première fois sur l’application commandent à nouveau.
Se déployer grâce aux partenaires
« Cette façon de faire du commerce en ligne n’est pas exigeante en matière d’investissement, car nous nous reposons sur des partenaires pour la livraison, les points de vente et les points relais », assure Francis Dufay. En Côte d’Ivoire, Jumia revendique ainsi 181 kiosques partenaires répartis dans 107 villes. Au total, le groupe déploie ses livraisons rurales à travers plus de 1 500 points relais dans cinq des onze pays dans lesquels il est présent (Côte d’Ivoire, Kenya, Nigeria, Sénégal et Ouganda).
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« Livrer en milieu rural est définitivement une meilleure façon d’aller chercher de la croissance que d’ouvrir de nouveaux pays », observe Julien Garcier, dirigeant du cabinet de conseil Sagaci Research. « S’il est certain qu’il y a un problème d’offre dans ces zones, l’inconnue de cette équation reste la profondeur de la demande », pondère-t-il.
Selon cet expert des études de marché en Afrique, qui a travaillé à plusieurs reprises pour Jumia, cibler les zones rurales permet de rencontre moins de concurrence que dans les zones urbaines, tout en subissant moins de pression sur les marges. « S’ils sont plus nombreux en zones rurales, les foyers sont aussi plus pauvres. La fréquence d’achat est donc plus faible tout comme le panier moyen », met-il néanmoins en garde.
Le modèle Copia
Le modèle vers lequel s’engage Jumia n’est pas sans rappeler celui de la start-up kényane Copia Global. L’entreprise fondée par Crispin Murira, Jonathan Lewis et Tracey Turner en 2012 figure depuis deux ans au classement des entreprises aux plus fortes croissances publié par le Financial Times. Dirigée depuis 2017 par Tim Steel, la société employait 659 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de plus de 30 millions de dollars, en croissance de près de 50 % sur un an, selon le classement du FT.
Depuis sa création, Copia Global a levé 103 millions de dollars auprès d’une quinzaine d’investisseurs. Alors qu’elle avait entamé une expansion géographique en Ouganda en 2021, elle a néanmoins fait le choix de se retirer du marché en avril 2023 pour se protéger d’une conjoncture économique difficile.
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Ces difficultés conjoncturelles, Jumia, qui est cotée à la Bourse de New York, y est particulièrement sensible. « Nous connaissons les mêmes problèmes macroéconomiques depuis un peu plus d’un an en Égypte, en Algérie, en Tunisie et, dans une moindre mesure, en Afrique du Sud ainsi qu’au Ghana », reconnaît Francis Dufay. Forte dépréciation des monnaies locales, restriction à l’import et perturbations des chaînes logistiques nationales sont le lot commun de ces différents marchés.
« La dévaluation de 80 % en un an de la livre égyptienne impacte énormément nos capacités d’approvisionnement et nos ventes parce que les importateurs ont très peu de marchandises, les producteurs locaux préfèrent exporter pour récupérer des devises étrangères, et les consommateurs allouent leur pouvoir d’achat ailleurs », résume le dirigeant de la start-up.
Wall Street encore dubitatif
En interne aussi, les défis ne manquent pas. Le ralentissement volontaire des ventes de biens de consommation et des opérations promotionnelles sur JumiaPay grèvent les visites et les commandes sur le site commerçant. « Nous vivons avec cette perte d’usage. Nous n’e sommes pas contents, mais c’est inévitable et c’est la bonne chose à faire », se convainc le dirigeant franco-ivoirien.
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Fin mars 2023, Jumia a ainsi présenté des chiffres ambivalents. Alors que les pertes ont diminué de 49 % en monnaie constante sur un an et les pertes de bénéfices ont freiné de 51 % sur la même période – soit leur plus bas niveau depuis quatre ans –, les revenus ont diminué de 2,%, à 46,3 millions de dollars en glissement annuel. « Le trou dans les comptes s’agrandit moins rapidement, mais les pertes se poursuivent », résume Julien Garcier.
Francis Dufay se veut à l’inverse rassurant, rappelant que le groupe « dispose encore de 205 millions de dollars de liquidités ». « Nous évoluons dans un entre-deux spécifique où nous avons arrêté de faire plein de choses qui ne nous apportaient que des pics de consommatio de court terme sans pour autant encore voir le plein impact du travail mené depuis six mois »
Cela se vérifie aussi du côté de Wall Street. Les investisseurs semblent encore peu convaincus par la trajectoire empruntée par Jumia. Après avoir frôlé la barre des 5 dollars début février, le cours a chuté et stagne autour des 3 dollars (3,26 dollars au 5 juin), malgré la présentation, le 23 mai, des chiffres du premier trimestre.
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