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Francis Dufay (Jumia) : « Notre expansion dans les villes secondaires africaines est un vrai levier de croissance »

December 5, 2024Company News
Le patron de la plateforme d’e-commerce poursuit le redressement du groupe, ayant achevé une levée de 100 millions de dollars et une transformation logistique. Il assure que la rentabilité est en vue. Le patron de la plateforme d’e-commerce poursuit le redressement du groupe, ayant achevé une levée de 100 millions de dollars et une transformation logistique. Il assure que la rentabilité est en vue.

Le patron de la start-up poursuit le redressement du groupe, et vient d’achever une levée de 100 millions $, ainsi qu’une transformation logistique. Avec la rentabilité en vue.

Jumia se porte mieux : dans ses dernières publications financières trimestrielles, le groupe a déclaré un chiffre d’affaires en baisse de 13%, mais en hausse de 9% une fois neutralisés les effets de change. Le groupe a à l’inverse réduit de 17% ses pertes avant impôt.

L’effet d’une stratégie de rationalisation qui l’a vu quitter récemment l’Afrique du Sud (lâchant sa plateforme Zando, dix mois après avoir arrêté la livraison de repas) ou la Tunisie, réduisant à 9 ses marchés actifs. Le groupe a aussi investi dans plusieurs entrepôts, récemment au Nigeria et en Côte d’Ivoire, pour réduire le nombre de sites et améliorer la logistique. Jumia a aussi levé 100 millions de dollars à la bourse de New York, pour financer cette restructuration.

Francis Dufay est le directeur général de Jumia depuis deux ans, après en avoir été le CEO Côte d’Ivoire puis vice-président pour l’Afrique en 2022. Formé à HEC, il était auparavant passé par Deloitte et McKinsey.

Les derniers résultats trimestriels de Jumia dénotent une performance positive, mais moins bonne que les deux précédents, ainsi que de forts effets de change. Quelle est votre analyse ?

Ce dernier trimestre présente des résultats contrastés. Du côté des indicateurs d'usage, les perspectives sont bonnes. L’e-commerce a progressé de plus de 5 %, et la base d’abonnés payants, en légère hausse pour la première fois en deux ans et demi, confirme un retour progressif à la croissance, favorable pour le long terme. Mais les résultats financiers restent plus complexes à analyser. Les dévaluations monétaires au Nigeria et en Égypte en début d’année n’ont pas encore été pleinement intégrées, ce qui affectera le premier trimestre 2025. L'an dernier, dans notre EBITDA, il y avait une reprise de taxes de 6 millions de dollars. Donc les chiffres, cette année, ont l'air moins bons, mais c'est purement dû à un effet de comparaison. Nous avons consommé du cash parce que c’est la saison des fêtes et qu’il y a un plus d’inventaire. Ce n’est pas enthousiasmant, mais des choses se sont bien passées sur trimestre : d’abord, l’assortiment augmente, malgré qu’on n’ait pas augmenté les dépenses de marketing. On travaille sur la proposition de valeur, les produits proposés et les prix, un vaste sujet. L’autre levier de croissance qui se confirme, c'est l'expansion dans les villes secondaires, donc hors des capitales, où là, pour la première fois, on donne des chiffres : +22% au Nigeria hors des deux capitales. C'est un très bon signe, parce que le Nigeria est un marché potentiel où la pénétration est encore faible, un relais de croissance arrive dans un contexte macroéconomique difficile pour beaucoup d’entreprises locales.

Comment expliquez-vous la tendance positive concernant l’assortiment ? Avez-vous renouvelé votre positionnement-produit ?

Nous travaillons sur le pivot de notre stratégie depuis 2 ans, en assumant de se mettre au service de la classe moyenne africaine, au sens large. Nos clients commencent à 150 dollars de revenus mensuels. C’est peu, ce sont des gens mal servis par le retail formel. Par contre, cela suppose qu’on soit très abordable, “value for money”. Du pas cher, pour de la qualité acceptable. On vend des baskets à 5 euros, des télévisions à 65. Nous visons la qualité : Jumia n’est ni un site de niche, ni un site haut de gamme. Cela implique un travail avec les fournisseurs chinois, les grandes marques locales et les petits revendeurs de notre marketplace pour baisser les prix, et convaincre de maintenir des volumes suffisants vers l’Afrique.

Vous venez de quitter l’Afrique du Sud et la Tunisie. Pourquoi ? Etudiez-vous d’autres fermetures ?

Non, c’est tout pour le futur prévisible. Sortir de deux pays, c'est déjà quelque chose de structurel, qui demande beaucoup d'organisation et de préparation. La décision est très préparée et très coûteuse - on se permet de le faire parce qu'on a levé de l'argent récemment. On peut donc simplifier les structures et réduire la complexité du groupe. C’est un coût immédiat qui permettra d’être mieux organisé à long-terme : passer de 11 pays à 9 permettra plus de simplicité. Nous restons dans des pays où les tendances sont bonnes, avec un vrai potentiel. On sait qu'on y a une vraie perspective de taille critique et de rentabilité. La couverture pays est bonne, à nous de faire grandir le business pour l’amener à l’équilibre, maintenant.

Quels sont vos marchés restants, et y avez-vous les mêmes objectifs de vente dans des zones rurales ?

Nous sommes présents en Egypte, Algérie, Maroc, Sénégal, Côte d'Ivoire, Ghana, Nigeria, Kenya, Ouganda. 9 pays à des niveaux de maturité différents, selon la qualité d'exécution des 10 dernières années. Une grande partie du défi actuellement, c'est d'amener tout le monde au bon niveau : on sait que notre modèle marche à grande échelle si l'exécution est bonne. Concernant les villes secondaires, on a commencé il y a longtemps en Côte d’Ivoire, dès 2016, puis on a amené ça au Sénégal peu après. Sont arrivés ensuite le Kenya, l’Ouganda, le Ghana, le Nigeria. Nous sommes encore en phase de test au Maroc, en Algérie et en Egypte. Notre portefeuille regroupe des pays assez proches, dans une fourchette de revenus similaire, et des dynamiques de consommation et d’offre similaires. Jumia n’a plus besoin de réinventer la formule neuf fois. La nouveauté, c’est que la formule qui fonctionne sur des petits marchés fonctionne désormais dans un très gros pays comme le Nigeria, c’est très rassurant en termes de transférabilité.

Quels sont les pays du portefeuille où vous performez moins bien pour l'instant ?

On ne partage pas nos chiffres au niveau national. Nos gros succès - vous pouvez lire en creux - sont la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Sénégal, l’Ouganda, le Kenya. Le Nigeria a mis plus de temps à tourner, c’est un gros bateau avec de grosses équipes.

Vous avez investi dans des entrepôts logistiques en Egypte et en Côte d’Ivoire. Quelle est la logique de ces dépenses dans les infrastructures ?

Ces investissements sont modérés, parce qu’on n’achète pas le foncier, l’immobilier, mais seulement l’équipement qu’on loge dans l’entrepôt. Il s’agit surtout de temps, d’attention pour réfléchir aux lieux, et d’un peu de capital. Les projets de cette année sont très importants car ils concernent 4 de nos plus gros pays : Côte d’Ivoire, Egypte, mais aussi Nigeria et Ghana. Durant le dernier trimestre, nous avons déménagé dans des entrepôts plus gros, mieux placés, plus efficaces. Par le passé, le réseau étiat constitué de plusieurs petits sites, ce qui générait beaucoup d’inefficacité. Ces dépenses ne nous aident pas financièrement ce trimestre, et le déménagement perturbe l’offre. Mais maintenant, nous sommes bien positionnés parce qu’on a de grosses bases logistiques pour tenir la croissance en 2025. Nous pouvons servir les capitales et les zones secondaires. Il fallait faire ce travail pour réussir en 2025.

Cette transformation est-elle achevée sur tous les marchés ?

Oui, on a fini. Des dépenses ont été passées dans les chiffres du trimestre, mais nous n’envisageons plus de conséquences financières négatives dans les mois et les trimestres à venir.

Vous avez fermé en Afrique du Sud la filiale Zando, qui est spécialisée dans la mode en ligne. Vous aviez aussi arrêté les livraisons de repas fin 2023. Quel bilan tirez-vous de cette réduction des services ?

Choisir, c'est renoncer, et on a choisi. Voilà. On veut vendre des produits très abordables aux classes moyennes africaines, donc à des centaines de millions de personnes, sur des industries pertinentes pour le e-commerce : mode, beauté, électronique, téléphonie, électroménager, maison. On peut gagner de l’argent sur ces segments, à grande échelle. Cela rend très difficile de gérer de petits business annexes, qui ne font pas partie de cette stratégie : nos ressources ne sont pas infinies. La livraison de nourriture, c'était petit et non rentable. Quant à Zando, il reposait sur un business model plus haut de gamme, en retail et pas en marketplace. Nous préférons concentrer nos ressources sur le mass-market.

Relancerez-vous des lignes de business supplémentaires une fois Jumia ramené à la rentabilité ?

Cet amincissement relève d’un impératif de rentabilité et d’une conviction business. nous ne pouvons pas utiliser l'argent de nos actionnaires à l'infini, il faut retourner à la rentabilité, et beaucoup de décisions sont prises pour des raisons financières. Mais elles sont aussi fondées sur une vision industrielle bénéfique à long-terme. Sur d'autres continents, nous parlerions de “lower class” ; pour nous, c’est la classe moyenne. Je pense qu’on est sur le bon filon, qu’on opère de la bonne façon. L’enjeu, maintenant, c’est de faire grandir, c’est du volume que viendra la rentabilité. On sert 2 millions de clients par trimestre, on veut faire beaucoup plus. Le potentiel de croissance est absolument énorme, ne serait-ce que si on regarde un pays comme le Nigeria.

Jumia a levé 100 millions $ en bourse en août. Quels étaient les besoins et êtes-vous satisfait de cette levée de fonds ?

Satisfait, je ne sais pas : mais la levée a été faite. Je pense que c'était le bon moment pour le faire dans le cycle de vie de l'entreprise. Nous finissons une phase de restructuration, sans être encore rentables. Il est évident que nous avons besoin de fonds, et c’était le moment de remettre un peu d’investissements sur des sujets qui accélèrent la rentabilité. Ces fonds ont permis la simplification, la sortie de deux marchés. Ils permettent de transformer la logistique et d'augmenter nos capacités. Ils vont nous permettre de faire des choix en termes d'assortiment. L'assortiment, c'est le cœur de la bataille pour nous, étant donné la nature des clients auxquels on parle. Nous avons alloué un peu plus de fonds de roulement pour sécuriser l'inventaire en fin d'année pour les fêtes, et nous pourrons relancer notre marketing pour étendre la base client.

Comment envisagez-vous les financements de Jumia à l'avenir ? Par des levées en flottant en bourse, ou par des entrées d’investisseurs ?

Pour le futur prévisible, on est entièrement concentré sur nos opérations et arriver à la rentabilité. Il n'y a pas 1% de mon cerveau qui pense à de nouveaux apports de capitaux. Après cette phase de levée de fonds et de restructuration, nous nous concentrerons sur l'exécution de la stratégie, l'accroissement des ventes, des revenus. Par le passé, cette société a levé beaucoup d'argent : elle a vite dépensé, pour dire les choses poliment. Le financement nécessaire est celui qui permet de sortir un business viable, sain, qui crée de la valeur pour les clients. On ne lèvera pas des centaines de millions pour faire des choses spectaculaires. Nous n’avons pas besoin de milliards et de milliards pour développer la boîte.

Vous avez signé avec deux opérateurs nigérians de “buy now, pay later”. Quel est votre appétit pour ces modes de paiement innovants ?

C'est un sujet naissant, qui fait l’objet de beaucoup de demandes dans tous nos pays. Il n'empêche que l’exécution est complexe, il faut travailler avec des spécialistes pour qu’ils souscrivent eux-mêmes les emprunts et les crédits. Nous dépendons donc du bon développement d’opérateurs de crédits conso capables de travailler en ligne. Cet écosystème est en train de se créer en Afrique de l'Ouest, en Afrique de l'Est ; il tourne déjà plutôt bien en Égypte, mais pas du tout au Maghreb. Ce ne sont pas des chiffres décisifs pour Jumia, néanmoins. Mais le secteur peut très bien performer s’il est bien exécuté.

Amazon vient de s’installer en Afrique du Sud. Faut-il craindre l’arrivée des hyperscalers occidentaux ?

Nous sommes focalisés sur notre propre stratégie. Atteindre la classe moyenne, ce n’est pas du tout la stratégie d’Amazon : ils n’ont pas les mêmes produits, pas les mêmes techs. Notre business model est vraiment conçu pour l'Afrique et pour les consommateurs africains. Donc nous sommes plutôt contents qu’Amazon s'intéresse à l'Afrique, ça valide qu'il y a une opportunité sur le long terme, qu’on est au bon endroit. Mais ils entrent en Afrique du Sud, soit un marché très différent du reste du continent. Le retail comme la logistique sont opposés à ceux du Nigeria ou du Kenya, par exemple. C'est d'ailleurs aussi pour ça qu'on en sort : les actifs forts qu'on a développés dans d'autres pays n'étaient pas très utiles en Afrique du Sud. Dans l’ensemble, je ne suis pas très inquiet, nous sommes déjà en concurrence avec Amazon en Egypte, on sait qu’on peut se battre.

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